dimanche 23 juin 2013

Manuel de suicide civilisé pour les jeunes filles, à l'usage des maisons d'éducation: Fleur Jaeggy


Hé bien voilà qu'on nous annonce pour bientôt la canicule. On n'y croyait plus. Si vous souhaitez vous prémunir contre les coups de chaud, je vous recommande un roman dans lequel on a froid. 
Très froid.
De Fleur Jaeggy, je ne savais qu'une chose: qu'elle était la spécialiste italienne de l'œuvre de Marcel Schwob, et sa traductrice. Ça suffisait déjà à faire d'elle quelqu'un de tout à fait intéressant.
Récemment, j'ai découvert qu'elle était aussi une romancière bienheureusement économe de mots: Les années bienheureuses du châtiment est un roman très court, dont chaque mot semble avoir été pesé avec soin.

Après la promenade

A quatorze ans j'étais pensionnaire dans un collège de l'Appenzell. En ces lieux où Robert Walser avait fait de nombreuses promenades lorsqu'il se trouvait à l'asile psychiatrique, à Herisau, non loin de notre institution. Il est mort dans la neige. Quelques photos montrent ses traces et la posture de son corps dans la neige. Nous ne connaissions pas l'écrivain. Et il était même inconnu de notre professeur de littérature. Parfois je pense qu'il est beau de mourir ainsi, après une promenade, de se laisser choir dans un sépulcre naturel, dans la neige  de l'Appenzell, après presque trente années d'asile, à Herisau. Il est vraiment dommage que nous n'ayons pas connu l'existence de Walser, nous aurions cueilli une fleur pour lui (Kant lui-même, avant sa mort, fut ému lorsqu'une inconnue lui offrit une rose).
En Appenzell, on ne peut faire autrement que se promener. 


Mort par le froid. C'est la seule fois dans ce livre qu'il sera question de Robert Walser;  mais il est significatif que les premières lignes de la première page placent ce court roman, en quelque sorte, sous son patronage.
Et, venant tout de suite après l'évocation du destin de Walser, la phrase, qui dans tout autre contexte pourrait être anodine: "En Appenzell, on ne peut faire autrement que se promener", n'invite pas à spéculer sur la possibilité d'une fin heureuse.
Car il fait terriblement froid dans ce roman cruel.
Plus cruel que la neige de l'Appenzell.

Quand je vis son écriture je restai sans voix. Presque toutes nos écritures étaient semblables, vagues, enfantines, les o arrondis, larges. La sienne était complètement architecturée (vingt ans plus tard je vis quelque chose de semblable dans une dédicace de Pierre Jean Jouve sur un exemplaire de Kyrie). Évidemment, je feignis de ne pas être étonnée, je ne lui jetai qu'un regard. Mais je m'exerçai en cachette. 
Et aujourd'hui encore j'écris comme Frédérique, et l'on me dit que j'ai une écriture belle et intéressante. 
Personne ne sait combien je l'ai travaillée.

Elle a travaillé, la petite pensionnaire.
Elle reconnaît ne pas s'être beaucoup intéressée aux matières du programme, mais dans d'autres disciplines, elle s'est montrée persévérante.
En quelques phrases disséminées dans le roman (elle ne s'y attarde jamais)  la narratrice brosse le tableau d'une situation familiale corrosive: 
des parents séparés ont pris pour l'éducation de leur enfant des dispositions peu propices à l'épanouissement de l'affectivité  d'une petite fille. À la mère, la garde nominale, et donc toutes les décisions concernant l'éducation: c'est à dire, pensionnat de huit à dix-sept ans, puisque Madame vit désormais au Brésil et n'entend pas  être encombrée par sa progéniture. Au père, le soin d'organiser les vacances scolaires: ce sera à l'hôtel, toujours, car les affaires dont s'occupe Monsieur sont trop importantes pour que, redevenu célibataire, il y ajoute le souci de l'entretien d'une maison, et lui-même vit à l'hôtel. Tout le temps.
C'est aux directrices, aux principales, aux mères supérieures que sont adressées - du Brésil, toujours - les lettres contenant les décisions qui concernent l'enfant, c'est elles qui les lui transmettent. Le père, lui, s'étonne du grand nombre de lettres (anodines, parlant du temps qu'il fait) qu'il reçoit de sa fille. À ses réponses, concises, il joint l'argent de poche, c'est du temps de gagné.
Trouvez-vous surprenant que chaque allusion à la mère (elles sont rares et elliptiques) soit soulignée d'un coup de griffe, et que chaque mention du père (elles sont le contraire d'elliptiques, certaines, même, donnent l'impression qu'on y a tiré à la ligne, car sur cet homme - c'est pourtant la figure masculine qui occupe le plus de place dans le livre - il n'y a décidément pas grand' chose à dire) semble accompagnée d'un soupir? 
Cet arrangement mortifère devait paraître extrêmement convenable à de grands bourgeois helvètes ("il y a eu dans notre famille un Président de la Confédération") de l'immédiat après-guerre. La petite fille passait donc, année après année, d'un hôtel très correct et très suisse à un pensionnat très suisse et très correct, puis à un autre hôtel aussi correct que suisse (il arrivait que l'hôtel soit italien ou l'école tenue par des religieuses françaises, mais après tout, c'est la Suisse qui définit les standards internationaux dans ces deux secteurs d'activité). Cela équivalait à conserver l'enfant dans un bain de formol, et à l'en extraire juste le temps de la changer de bocal quand sa croissance l'exigeait. Toujours des bocaux bien cubiques, aux angles bien nets, d'ou elle était supposée un jour ressortir (grâce à des perfusions d'encre violette) l'âme quadrillée comme un cahier d'écolier.


Même ceux qui n'existent pas, meurent.

La cloche sonne, nous nous levons. La cloche sonne encore, nous dormons. Nous nous retirons dans nos chambres, la vie, nous l'avons vue passer à travers les fenêtres, les livres, l'alternance des saisons, les promenades. Toujours par reflet, un reflet qui semble gelé sur les appuis des fenêtres. Et parfois, peut-être, nous voyons une haute figure de marbre se découper devant nos yeux: c'est Frédérique qui est passée dans notre vie - et nous aimerions peut-être revenir en arrière, mais nous n'avons plus besoin de rien. Nous avons imaginé le monde. Qu'est-ce qu'on peut imaginer d'autre, sinon notre propre mort? Un son de cloche et tout est fini.

Les années bienheureuses du châtiment raconte l'histoire d'une vieille petite fille, pour qui il était déjà trop tard quand elle rencontra sa Frédérique. 
C'est l'histoire de Frédérique et de… 
... Fleur se garde bien de donner un prénom au personnage qui dit "je" dans son roman ("Je me présentai: prénom, nom, comme une recrue, et après que j'eus entendu le sien, la conversation semblait finie"); il lui arrive même, pince-sans-rire, de le désigner, ce personnage discret, comme "l'élève X". La grande affaire de ces années de pensionnat, ce sera pour "l'élève X", la rencontre avec Frédérique, celle dont elle pensera en la voyant pour la première fois: "elle est allée plus loin que moi".


Le nom de Frédérique signifie "conte". Et puisque son nom est conte, je me surprends à penser que c'est elle qui le dicte, ou qui l'écrit, avec sa façon punitive de rire. J'ai aussi le pressentiment inexplicable que le conte a déjà été écrit. Comme nos vies.

Vous ne vous attendez pas, j'espère, à lire des choses scandaleuses dans ce roman, vous seriez déçus (ah, si, tout de même: une fois, à huit ans, la petite X a traité une Mère Supérieure de "vache". C'est ce qui se rapproche le plus chez elle d'un comportement transgressif, et, j'en conviens, ce n'est pas un exemple à suivre). 
À moins qu'il n'y ait scandale lorsqu'au ronronnement tranquille de la mécanique du roman, cette commodité conçue par des ingénieurs, sans cesse perfectionnée depuis les débuts de la révolution industrielle, pourvue de nos jours de systèmes régulateurs soumis à des normes sévères, se substitue l'emballement de toupie du conte de nourrice, ce tape-cul brinquebalant monté sur pattes de poules, piécé de fiancés-ours, de mères-oies, de huches qui parlent et de bobinettes pendues à des chevillettes: c'est vrai, un conte n'est jamais innocent.

Un après-midi d'hiver (c'est une histoire où les choses les plus intéressantes se passent l'hiver), nous étions assises sur l'escalier, Frédérique me prit les mains et dit: "Tu as les mains d'une vieille femme." Les siennes étaient froides. Elle observa le dessus de mes mains: on  voyait les veines et les os. Elle les retourna: elles étaient fanées (même la ponctuation n'est pas innocente: l'emploi des deux points entre les deux membres de phrase crée les conditions de l'illusion que c'est le geste de Frédérique qui provoque le vieillissement; que Frédérique agit comme ces personnages de contes qui aspirent un peu de la jeunesse des petites filles venues chercher asile dans leur cabane au cœur de la forêt ou dans leur château taillé dans la glace). Je peux à peine décrire avec quel orgueil j'accueillis ce qui était pour moi un compliment. Sur l'escalier, ce jour-là, j'eus la certitude de lui plaire.


Aujourd'hui encore je n'arrive pas à dire que j'étais tombée amoureuse de Frédérique, et c'est une phrase très facile à dire.

Mais il lui restait si peu de jeunesse à donner, à cette pensionnaire déjà exsangue, elle s'en était déjà tant fait ravir par le pays-vampire dans lequel ses parents, agissant eux aussi comme dans les contes, l'avaient murée comme dans une tour. C'est pourquoi elle évoque avec tant de rancœur cette société fossilisée.

Pour les vacances de Pâques je retournai à la maison - à l'hôtel. Des personnes nous invitèrent à déjeuner, nous montrèrent ensuite des diapositives d'un voyage avec ruines et paysage et eux-mêmes. C'était un vieux couple, de vertu exemplaire, très bon genre, riches, avares avec discrétion, gentils avec discrétion, récalcitrants, surtout la femme, à la bonne humeur, ou au bien-vivre, s'il existe un bien-vivre.
La femme, sèche et raide dans des vêtements sans forme, les cheveux tirés, voyait d'un mauvais œil la jeunesse depuis sa tête rapetissée et ses yeux sans couleur. Le mari, soit bonhomie soit indulgence, laissait jaillir de sa bouche bien dessinée et un peu charnue un rire profond, s'il y avait de quoi rire, et ses yeux devenaient rusés, comme si le rire était lié à quelque malice. Dans son gilet, la montre de gousset du grand-père, ou de quelque mort de famille. Il la regardait souvent (et soupesait l'heure). Son habit foncé avait passé plusieurs saisons et lui conférait de la dignité.
Dans le jardin, qui donnait sur le lac, un chien-loup derrière le grillage marchait furieusement de long en large et montrait les dents. Le matin suivant, c'était une journée de brouillard blanc, le père et la fille furent emmenés pour faire un tour sur le lac. La femme, surveillant sa bonne, prépara le pique-nique. Tout était calculé pour une joyeuse excursion. Cela était dit par l'expression muette et chargée de sens du devoir que la dame affichait, tandis qu'elle scrutait les maigres rayons du soleil comme si c'était un piège. Au bout de deux heures, l'excursion s'acheva. C'étaient les meilleurs amis de mon père.   

Terrifiante petite vignette, n'est-ce pas?
Des yeux sans couleur.
Les personnages aux yeux sans couleur abondent dans le livre (les yeux de Frédérique, eux seuls, sont "pleins d'ombre"). 
Autres petites vignettes terribles: Frau Hofstetter, la directrice de la pension, à Teufen, énorme divinité chthonienne flanquée d'un parèdre, Herr Hofstetter, affublé d'un titre de directeur par courtoisie mais gratte-papier par vocation, qui ne s'occupe que de la comptabilité, presque invisible à côté d'elle; plus tard, nous ferons connaissance avec la mère de Frédérique (appelée seulement "Madame"; "aux yeux d'un bleu passé, sereins et incorruptibles"), rencontre qui est, elle aussi, peinte par petites touches de couleurs froides: "Le soleil brillait à Genève. Madame lui ordonna le crépuscule."

Oui, je faisais erreur, tout au début, quand j'ai employé l'adjectif "corrosif" pour décrire le milieu dans lequel grandit X: ce n'est pas le formol, c'est la lucidité innée des petites filles qui est corrosive, non contente de compromettre leur embaumement programmé,  elle parvient même  à suinter hors de leur bocal.
C'est presque Mars mis au féminin, mais sans les imprécations de Fritz Zorn: chuchoté, au contraire, car une jeune fille bien élevée n'élève pas la voix.


A quoi songent les jeunes filles? Au moins la moitié a la nostalgie de la mort...

 Une nouvelle élève, Micheline, vient en cours d'année en mettre un peu, de couleur. Cette couleur détraque tout. Micheline, rousse exotique, est l'exact opposé de Frédérique, et elle a un père qui est l'exact opposé du père de l'héroïne - les deux points de repère de ce petit monde - et tout est mis sens-dessus-dessous."Son daddy était jeune et, quand ils sortaient ensemble, elle se maquillait, de telle sorte qu'elle semblait être sa fiancée. Moi, je pensais à mon daddy, aux hôtels innombrables des vacances, d'hiver et d'été, à ce vieux monsieur aux cheveux blancs, aux yeux clairs et glacés, mélancoliques. Qui allaient commencer à entrer dans les miens." 
Son daddy à elle, silhouette grise parmi d'autres, la narratrice l'évoque sans colère ni trouble apparent, juste avec étonnement devant sa capacité à s'éloigner, à garder ses distances même quand il n'était pas absent. "Dans une piscine j'avais pris des leçons de natation et mon père, habillé comme en hiver, assis à l'ombre, refusait le soleil de l'été", note-t-elle dans un paragraphe qui se termine sur la mention distraite, comme accidentelle, d'un suicide de vierge.

Mais Micheline n'est qu'une passante, même pas une passade, et c'est un autre père qui séparera les deux moitiés de la tessère. Celui de Frédérique (lui non plus n'a pas de nom, seulement Monsieur le banquier). 
X avait noté que jamais Frédérique ne lui avait fait la moindre confidence sur sa famille: pour quelque obscure raison familiale cependant, il fallait que la mort de son père eût pour conséquence inévitable qu'elle soit retirée du collège. Elles se quitteront sans presque rien se dire, comme si un charme était rompu, ou comme si au contraire un sort leur avait été jeté.

Je n'avais pas réussi à lui dire deux mots pour la mort de son père, qui semblait n'avoir jamais existé. Pourtant même ceux qui n'existent pas, meurent. Et c'est pour cela que Frédérique a quitté le collège et m'a quitté, moi. Je ne remarquai pas d'émotion dans ses yeux. Et moi-même je ne fus pas émue par la mort de son père: c'est le départ soudain de Frédérique qui m'effraya. Monsieur le banquier nous séparait. 

Elle manquera par la suite tous ses rendez-vous avec celle dont elle voulait devenir le double; même quand elles se reverront, ailleurs, sans pour autant se retrouver. Quelque chose, qui a failli se produire, ne se produira jamais.


Après la séparation la vie continue (la neige continue à s'amasser): X change de collège aussi, deux fois.
Mon éducation n'était pas encore achevée. Après le collège sur l'île, où la joie était le premier des préceptes, un dernier collège aplanit mes dix-sept ans. Une école ménagère. Toujours du Brésil arrivèrent des ordres: je devais apprendre à tenir une maison, à cuisiner, à faire des gâteaux. J'avais déjà appris, à huit ans, un peu à broder. Il était maintenant nécessaire de se préparer à devenir une maîtresse de maison. On trouva un collège près d'un lac, le lac de Zug, connu pour ses tartes au kirsch.

Dodo Minette, fanfarinette! 
Endormez ma p'tite enfant 
Jusqu'à l'âge de quinze ans. 
Quand quinze ans l'aura passé, 
Il faudra la marier. 
Malheureusement, les petites filles plongées dans le formol ne se réveillent pas toujours au commandement quand vient le moment où il faut les marier. Dans ses calculs, Madame Mère a oublié de prendre en compte ce paramètre.

Je revis Frédérique. Par hasard. La nuit. Elle m'apparut presque comme un fantôme. 
C'est à Paris qu'elles se revoient. Mais la progression des glaciers d'Appenzell, lente mais inexorable, a déjà avancé jusque-là. 
Les jardins du Louvre étaient gelés, la ville avait la couleur de la cendre… il faisait froid…  

Un jour Frédérique allume un feu, au loin. Trop loin: la narratrice est bien trop loin désormais, le feu ne pourra rien pour elle. C'est sans doute cela qu'elle a hérité de son père: la capacité, où qu'elle se trouve, à s'isoler de tout. 

Elles se revoient encore cependant, mais comme séparées par un rideau de neige. 
Je lui prends la main. Sa main qui écrivait dans le collège à Teufen. Et moi j'ai imité son écriture. Elle veut un exemple. J'écris son nom sur une petite feuille. Celui qui copie devient l'auteur. Adieu, Frédérique. C'est elle qui écrit le mot adieu.


Et nous aimerions peut-être revenir en arrière, mais...

 Le temps gagne toujours à la fin. Seuls des indices éparpillés ça et là (comme par un de ces serial killers de cinéma qui lancent des défis au profileur prodige parce qu'ils désirent secrètement qu'il les capture), un mot, une demi-phrase par chapitre, nous renseignent sur la durée qui s'est écoulée entre les années bienheureuses et le moment où l'ancienne couventine rédige ses souvenirs. La mention de dix ans entre deux rencontres avec Frédérique, puis de vingt années passées par celle-ci en hôpital psychiatrique; plus révélatrice encore, la confidence faite par X au lecteur après un bref portrait d'une grand' mère au cœur et aux yeux secs: "aujourd'hui, je prends ses traits".
Dans le dernier chapitre du roman, les actions de la narratrice s'écrivent encore au passé - comme tout le roman d'ailleurs - mais pour la première fois, les réactions de ses interlocutrices passent au présent narratif. Ce glissement de temps n'est pas dû à une étourderie, et l'élève X ne mérite pas de mauvaise note. Elle vient seulement de prendre conscience qu'elle est d'un autre temps, qu'elle n'est depuis longtemps qu'un petit fantôme. Le lecteur, lui, comprend un peu mieux pourquoi tout à l'heure, rêvassant sur le nom de famille de Frédérique, ce nom qui, selon elle (elle n'en dit pas plus), évoquerait le fait de conter, elle se demandait qui, d'elles deux, racontait leur histoire.

Je suis devant l'édifice du collège. Deux femmes sont assises sur un banc. Je les saluai avec un signe de tête. Elles ne répondirent pas. J'ouvris la porte. Une femme assise à une table. Une autre debout. Elle me demande ce que je cherche. Je m'enquis du collège. Je prononçai son nom. Elle ne l'a jamais entendu. Ici, à Teufen? sind Sie sicher? Elle me regarde avec des yeux investigateurs et malveillants. Certes, j'en étais sûre. J'y avais vécu. Pendant un instant, ma réponse me parut futile. Elle me conseille d'aller à Saint-Gall. Là-bas, il y a beaucoup d'écoles. Je répétai encore le nom du collège. Je faisais erreur, dit-elle. Je m'excusai. Ici, dit-elle, c'est une clinique pour aveugles. Maintenant c'est ça. Une clinique pour aveugles.

Le châtiment.
C'est le châtiment.


Les années bienheureuses du châtiment
(I beati anni del castigo, 1989)
traduit de l'italien par Jean-Paul Manganaro 
Gallimard, Du Monde entier, 1992;
Gallimard, Folio, 2005

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